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Fédération des Personnels des Services Publics et des Services de Santé / Groupement départemental services publics et services de santé du Territoire-de-Belfort / Union Nationale des Personnels des Services des Départements et des Régions

jeudi 22 mars 2018

ASSFAM (assistants familiaux) : les galères d'un métier passion


Par Thomas Beurey (journaliste)
(pour Fédération des Services Publics et de Santé/Union Nationale des Départements et des Régions)

Une loi de 2005 a renforcé la professionnalisation des assistants familiaux, tout en permettant l'amélioration de leur reconnaissance par les services de protection de l'enfance des départements. Mais les intéressés demeurent confrontés à de lourdes difficultés, comme lorsque des enfants les accusent, à tort, de les maltraiter. Ces dénonciations sont en réalité souvent mensongères. Enquête sur un métier où il faut « s'accrocher ».
Ils sont des anges gardiens pour des enfants et de jeunes majeurs qui se sont brûlé les ailes, ou dont la vie a été rendue difficile par les manquements ou les fragilités de leurs parents. Ils ? Ce sont les 39.000 assistants familiaux - essentiellement des femmes - qui accueillent en permanence à leur domicile 69.000 enfants pris en charge par les services départementaux de protection de l'enfance. Le plus souvent, ils embrassent cette carrière après avoir exercé une première activité, et alors que leurs propres enfants ne sont plus en bas âge. A ce moment-là, beaucoup sont tout feu tout flamme, à l'idée de porter secours à des enfants en manque de repères et en souffrance. Mais, petit à petit, ils découvrent l'envers du décor.
Avec les délais nécessaires à la délivrance de l'agrément par le président du conseil départemental, puis les démarches personnelles qu'ils doivent engager pour trouver un employeur - qui est soit le conseil départemental, soit une association - ils se rendent compte déjà que « les choses ne seront pas si faciles », raconte Patrick FRELIN, assistant familial du Département du Territoire de Belfort et représentant Force Ouvrière à la commission consultative paritaire départementale (CCPD) en charge des agréments.

A leur embauche, les assistants familiaux signent un contrat de travail avec leur employeur. Avant d'accueillir pour la première fois un enfant, ils suivent un « stage préparatoire » de soixante heures qui est complété, au cours des trois années suivantes, par une formation de deux cent quarante heures. Les assistants familiaux peuvent alors obtenir un diplôme d'État, également accessible par la validation des acquis de l'expérience. C'est un des apports majeurs de la loi du 27 juin 2005 qui a rénové l'exercice de leur métier. Le texte a aussi affirmé que l'assistant familial est un travailleur social « à part entière » au sein de l'équipe pluridisciplinaire du service de l'aide sociale à l'enfance du Département. Ce dernier ne doit donc plus se contenter d'accompagner les assistants familiaux, mais il doit les considérer comme une de ses parties prenantes. Toutefois, le principe a du mal à passer dans les mœurs.


ASSFAM ET ASSMAT FORCE OUVRIERE MOBILISÉS(E) ET ELU(ES) À

LA CCPD DU TERRITOIRE-DE-BELFORT
Manque d'informations.
« Le référent ne voit l'enfant que lors d'une visite, au rythme d'une fois tous les deux mois. Mais il pense, souvent, en avoir une meilleure connaissance que nous, qui nous en occupons tous les jours », déplore Patrick FRELIN. « Le service occulte fréquemment des informations sur les enfants. Or, en les communiquant aux assistants familiaux, il pourrait les aider sur la conduite à tenir dans certaines situations », s'indigne de son côté Laurent MATEU, référent de la commission dédiée aux assistants familiaux au sein de l'Union nationale Force Ouvrière des Départements et Régions et délégué au Département des Côtes-d'Armor. Dans des circonstances qui nécessiteraient le soutien du Département, des assistants familiaux se sentent isolés, voire abandonnés. « Bien qu'elle ait alerté son employeur, une assistante familiale a dû garder pendant des mois, et alors qu'elle n'en avait pas fait la demande, un enfant de neuf ans au comportement violent, qui pouvait mettre en danger le bébé qu'elle accueillait aussi », relate le représentant syndical breton.
Lorsque le service départemental de l'aide sociale à l'enfance intervient, il peut être déjà trop tard, ou sa réponse peut ne pas être adéquate. « Une collègue qui avait soulevé le problème de sa trop grande charge de travail, s'est vue retirer un enfant. Ses journées ont effectivement été allégées, mais cela lui a posé des difficultés financières », s'agace Stéphanie KARRER, référente Force Ouvrière pour les assistantes familiales du Département du Haut-Rhin et elle-même assistante familiale. « Les enfants placés sont comme des patates chaudes que l'on déplace et que l'on n'écoute pas », déplore-t-elle aussi. Or, « plus on multiplie les lieux d'accueil et plus l'enfant est abîmé. On ne prend pas le temps de régler les problèmes en profondeur. Alors, on finit par arriver à des situations très compliquées qui, en plus, retombent sur les assistants familiaux », dénonce-t-elle. Flavienne MINA, référente nationale et déléguée syndicale Force Ouvrière au Conseil départemental de la Haute-Garonne est également sévère vis-à-vis des services d'aide sociale à l'enfance, ces « grosses machines » capables sans le vouloir de « maltraitance ». Selon elle, les « lourdeurs de l'administration » sont la première cause des démissions que l'on observe chez les assistants familiaux.
Dotés d'une forme de « toute puissance », selon Stéphanie KARRER, les Départements pourraient mettre fin au contrat de travail d'un assistant familial suite à une légère faute, voire sans que la moindre faute ait été commise. C'est ce qu'observent plusieurs représentants syndicaux. Il suffit à l'employeur de prétexter que son salarié porte trop d'affection au jeune qu'il lui a confié, ou que la maman de ce dernier souhaite qu'il soit plus près d'elle. Il peut alors retirer l'enfant de sa famille d'accueil. Dans ce cas, elle perçoit une indemnité d'attente pendant quatre mois au maximum. Mais à la fin de cette période, si le Département n'envisage pas de projet d'accueil, il procède au licenciement de l'assistante familiale. Les syndicats, comme Force Ouvrière, ont dénoncé ces pratiques, ce qui a amené certains employeurs à corriger un peu le tir. Le Département des Côtes-d'Armor fait ainsi « plus attention », confirme Laurent MATEU : « A présent, entre une et deux demandes de retrait d'agrément par an passent devant la commission paritaire, contre dix à quinze, il y a trois ou quatre ans ».
Une épée de Damoclès sur la tête.
En faisant évoluer leurs pratiques, les services départementaux en charge de la protection de l'enfance peuvent donc être davantage bienveillants à l'égard de leurs salariés. Mais certains des dysfonctionnements sont aussi liés à l'équation compliquée à laquelle la plupart des départements sont confrontés : leurs finances sont exsangues et, dans le même temps, les besoins sociaux sont croissants. Dans ce contexte, les référents éducatifs sont en sous-effectifs et sont contraints, par exemple, d'espacer les visites chez les assistants familiaux.
L'emploi de ces derniers est d'autant plus précaire que ceux-ci et leur entourage peuvent faire l'objet d'accusations de maltraitance, voire d'abus sexuels, souvent à tort. Laurent MATEU témoigne : « une adolescente s'est plainte auprès du service départemental de l'aide sociale à l'enfance que les membres de la famille d'accueil lui ont donnée des gifles. Mais elle a avoué un peu après que ce n'était pas vrai. En fait, elle ne supportait pas qu'on lui refuse l'usage de son téléphone portable après 20h30 ». Comme dans cet exemple, beaucoup de plaintes sont calomnieuses. Mais, malheureusement les auteurs ne se rétractent pas toujours. Alors, au nom du principe de précaution, certains départements retirent en urgence les enfants confiés, ce qui prive l'assistant familial de son emploi et de ses revenus. Son agrément est ensuite suspendu pour une période de quatre mois, durant laquelle il peut continuer à recevoir une rémunération, mais pas toujours. Enfin, alors que l'enquête judiciaire n'est pas encore terminée, l'assistant familial peut être licencié. Fragilisé financièrement, il se trouve parfois dans l'impossibilité de rembourser ses emprunts, n'ayant pour solution que de vendre son logement. Or, « le plus souvent, les affaires sont classées sans suite, car le nombre de cas avérés est faible », indique Flavienne MINA. Avec Force Ouvrière, elle milite donc pour l'application réelle à tous les assistants familiaux du principe de présomption d'innocence reconnu par la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et, par conséquent, pour le maintien de leur agrément, ainsi que de leur rémunération durant tout le temps de la procédure - même en cas de retrait des enfants confiés.
En réponse à ses interpellations comme à d'autres, un guide élaboré par le ministère des solidarités et de la santé à partir des travaux d'un groupe d'experts, sera publié prochainement. Il rappellera le cadre réglementaire et les procédures à suivre pour les employeurs. Le but étant de parvenir en pratique à une meilleure conciliation entre les principes de protection de l'enfance et de responsabilité des employeurs vis-à-vis des assistants familiaux. Il s'agit d'une première réponse.
Travail non-stop.
Avec les accusations à tort et leurs conséquences potentiellement dévastatrices, les assistants familiaux et leur entourage vivent avec une véritable épée de Damoclès sur la tête. Et ce malgré l'interpellation des pouvoirs publics dont sont à l'origine, depuis plusieurs années, les associations professionnelles et les syndicats. Ce grave problème accroît la pression déjà grande qu'ils vivent au quotidien. Les jeunes qu'ils accueillent ont en effet souvent vécu auparavant de mauvais traitements, sources de mal-être, qui ont pu les pousser à consommer de la drogue, à faire une fugue, ou une tentative de suicide. Certains ne sont pas des enfants de chœur. Ils sont violents, tiennent parfois aussi des propos insultants et présentent même, dans certains cas, des troubles du comportement sexuel. « Cela peut très vite déraper » témoigne Laurent MATEU. Le responsable syndical note également que lorsque les limites sont dépassées, les « moyens de sanction » dont dispose l'assistant familial sont relativement réduits. Pour confisquer le téléphone portable, par exemple, une autorisation du référent éducatif est nécessaire.
L'accueil d'un jeune placé est d'autant plus usant qu'il dure vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et sept jours sur sept. Un retour chez les parents est prévu parfois, le week-end. Mais l'assistant familial peut avoir un long trajet à effectuer jusqu'au domicile de ces derniers, ce qui réduit son temps libre. En semaine, il doit aussi effectuer des déplacements chez le référent psychologue et les éventuels spécialistes que l'enfant doit consulter. La nécessité d'obtenir la signature des parents pour de multiples démarches liées à la vie du jeune est aussi source de tracasseries. Aussi, afin de permettre aux assistants familiaux de « souffler » un peu, en dehors des 35 jours de congés par an auxquels ils ont droit, des « assistants relais » peuvent les remplacer, le temps d'un week-end par exemple. Mais les départements ne peuvent pas répondre à toutes les demandes. Conséquence : s'ils ont le projet d'assister à un événement familial et s'ils se trouvent sans solution, ils sont contraints d'y renoncer. C'est aussi ce qui peut arriver aux familles à qui sont confiées un nourrisson. Dans l'intérêt de celui-ci, la possibilité d'un accueil relais ne leur est pas ouverte.
A cause de la fatigue, les assistantes familiales ne sont pas en capacité de prendre toujours les meilleures décisions comme l'observe Laurent MATEU. S'en suit parfois une convocation par leur employeur. Et lorsqu' « au bout du rouleau », elles n'obtiennent pas un soutien suffisant de la part du service d'aide sociale à l'enfance, il arrive qu'elles tombent en dépression. « Certaines le cachent : c'est un sujet tabou. D'autres le signalent et obtiennent une réorientation des enfants. Mais, même dans ce cas, c'est très difficile » témoigne Flavienne MINA.

Un choix de vie.
Les assistants familiaux embarquent leur entourage dans leur aventure. Pour le meilleur et pour le pire. « Le mari est souvent celui que les plaintes désignent », pointe Stéphanie KARRER. Si le risque de dénonciation ne se réalise pas toujours, le conjoint est contraint, en tout cas de traverser une bonne partie des épreuves liées à l'accueil d'un jeune placé. Les propres enfants du couple également. Ces derniers n'en ressortent pas toujours indemnes. « Ils considèrent souvent les enfants accueillis comme leurs propres frères et sœurs et n'ont pas la capacité de discernement que nous possédons en tant que professionnels », souligne l'assistante familiale haut-rhinoise. Ils peuvent aussi, malheureusement, se sentir délaissés, du fait d'un manque de disponibilité de leurs parents, complète Patrick FRELIN du Territoire-de-Belfort.
Lorsque l'accueil se passe mal, des tensions surgissent dans les couples, qui peuvent conduire jusqu'à la séparation ou au divorce. « L'exercice du métier d'assistant familial remet en question tout l'entourage, non seulement la famille, mais aussi les amis » ajoute Flavienne MINA. Des amis, que les assistants familiaux peuvent voir prendre leurs distances. « Si l'on se rend à une invitation avec quatre ou cinq enfants, généralement on ne vous invite pas une seconde fois, ou on vous demande de revenir sans les enfants » témoigne la responsable syndicale.
« Devenir assistant familial, ce n'est pas seulement débuter un métier, mais cela revient aussi à faire un choix de vie, insiste-t-elle. C'est pourquoi, si l'on cherche seulement un travail et un salaire, on est nécessairement voué à l'échec. En plus, il faut une très forte envie ». Une motivation qui doit être à toute épreuve. « Les petites victoires et les bons moments - car ils existent - nous font tenir », confie Stéphanie KARRER. « Nous rencontrons quand même des grands moments de bonheur avec les enfants, car ils sont très attachants", confirme sa consœur de Haute-Garonne, Flavienne MINA.

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